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  1547 Jeu de la Quintaine

 


Almanach Paroissial de Fégréac - 1932

Au mois de mars 1547, le roi Henri II était monté sur le trône de France, et l'heureuse nouvelle en fut portée dans toutes les provinces du royaume. A cette occasion, dans beaucoup de paroisses, les prières faites pour le Roi très chrétien furent accompagnées de fêtes populaires.

Messire François Le Coustellier, seigneur du Broussay, de Penhouet et de la Brousse, profita de cet heureux événement pour offrir, sur le pâtis de la Madeleine, le jeu de la Quintaine, suivant le droit et la coutume de ses ancêtres. Il fit publier le ban de quintaine dans toutes les frairies de la paroisse et dans les châteaux des environs pour le mardi de Pâques de cette année ; et les jeunes gens comme les jeunes escuyers nobles s'exercèrent avec ardeur.

Au jour fixé, deux quintaines furent dressées sur la place de la Madeleine entre la chapelle et le petit étang : c'étaient deux forts pivots de bois enfoncés solidement en terre, sur ces pivots étaient placés deux soldats en bois dont les bras articulés tenaient un long bâton en forme de sabre. Si le joueur donnait le coup de lance ou de pique dans le coeur de la quintaine, celle-ci restait immobile ; mais si le joueur manquait son coup et la frappait dans un autre endroit, à moins d'une très grande agilité il recevait un coup de bâton des bras articulés, instantanément mis en mouvement.

Le rendez-vous était fixé à 2 heures de l'après-midi. Par tous les chemins arrivaient de leurs villages les jeunes gens joyeux, coiffés d'un chapeau entouré d'un long ruban de velours, vêtus d'une veste à passements noirs, d'une large culotte et de souliers légers. Tous portent sur l'épaule droite une pique ou lance courte dont la hampe est en bois de cormier et dont le fer brille au soleil. Des trompettes sonnent du coté de Pont Miny, du ruisseau de Flandre et des Ecobuts, ce sont les seigneurs voisins qui arrivent : messire François le Coustellier, seigneur du Broussay, et sa noble et pieuse compagne Jeanne de Lymur avec leurs huit enfants : escuyers Jean, Charles, Allain, et damoiselles Jeanne, Françoise, Jacquette, Bertranne, Guyonne. Voici messire Jean Le Long, seigneur du Dréneuc et sa jeune épouse. Arrive en même temps noble damoiselle Françoise Guyomard, dame de la Touche Saint Joseph. presque en même temps on vit arriver nobles escuyers Jean de Lymur, Jean de Carheil, Nicolas Thébaud, seigneur de Querbrenard, Jean de Blanchas, seigneur de Treignac, Gilles du Plessix et sa compagne Jacquette de Ros, Guillaume Le Long, seigneur de la Gaumelaie, Pierre Lambert, seigneur du Port de Roche, André Gabart de la Motte, Allain de Lymur seigneur de Launay, Georges du Verger, seigneur de Trégrand, Yves de Téhillac, Jean de Talhouet, seigneur de Sévérac, les sires de Briaussais et de Campson, et plusieurs autres escuyers désireux de se distinguer par leur habileté à donner de beaux coups. Plusieurs dames et damoiselles étaient venues pour applaudir les beaux faits de leurs maris et de leurs frères.

La fête commença par les vêpres, qui furent chantées dans la Chapelle de la Madeleine par messire le Prieur, assisté des vénérables et discrets messires chapelains et prêtres de la paroisse, doms Michel Mazan, Jacques Beauperrin, Julien Houssais, Julien Brunel, Pierre Menand, Yves Guiho, Jean Denis, Jean Seillé, Pierre Poulain, Georges Bahurel. Les dames, les seigneurs, les paroissiens y assistèrent dévotement.

La cérémonie terminée, les jeux commencèrent. D'abord c'est la quintaine des jeunes gens de la paroisse. Les trompettes sonnent le ban, aussitôt les jeunes gens s'alignent, lance à la main, ils sont douze pour chaque frairie. Sous le commandement de Jean de la Brousse, fils aîné du sire du Broussay, les douze garçons de chaque frairie, au pas de charge, font cinq passes devant la quintaine, en donnant le coup de lance. Que d'applaudissements, mais surtout que de rires ! la quintaine sonnait sous le coup de lance, mais presqu'en même temps, un coup de bâton tombait sur la tête ou sur l'épaule du piqueur maladroit. Malgré, sa maladresse, Pierre Menand, surnommé Saulpiquet, provoque les applaudissements, il était si agile pour se sauver que le bâton de la quintaine tombait toujours dans le vide. Cependant, dans chaque frairie, il y eut un piqueur assez habile pour frapper cinq fois la quintaine au coeur, c'était un coup sec et le bruit de la quintaine frémissante, mais immobile. Les applaudissements et les vivats éclataient alors de toutes parts.Voici quels furent les vainqueurs : frairie de Saint Sébastien, Julien Houssais du bourg ; frairie de Trouhel, Jean de la Vigne, du Breil ; frairie de Henrieux , Germain Jouan de Tarambon ; frairie des Abbayes, Barnabé Guiho, de Ménigot ; frairie de Saint Michel, Julien David, de Penhouet ; Frairie de Saint Gaudence, Vincent Laillé de Marongle, Frairie de Saint Armel, Pierre Bocquel de la Bourdinais, Frairie de la Madeleine, Jean Mazan de la Provotais.

De nouveau, les trompettes sonnent, c'est le ban de la quintaine pour les cavaliers. Les valets amènent les chevaux alignés sur la lande, près du petit bois, et les jeunes seigneurs montent à cheval. Ils joutent par groupe de quatre, font le tour du petit étang, passent au trot devant la grande quintaine sur laquelle ils donnent le coup de lance. Le chevalier Guillaume de Hendreuc commande chaque peloton, qui passe dix fois pour disputer le prix du vainqueur. Oh ! les beaux coups de lance qui sont donnés ! la terre en tremble, les dames et les paroissiens applaudissent ; cependant, plusieurs jeunes seigneurs apprennent par de bons coups de batons comment il faut donner un coup de lance. Les vainqueurs semblaient être jean de la Brousse, Jean du Dréneuc et Jean de Talhouet, lorsque le son du cor retentit dans la vallée de Flandre, c'étaient plusieurs jeunes seigneurs de l'évêché de Vannes qui arrivaient, amenés par François Couldebouc. Celui-ci avait fait la campagne du Piémont contre les impériaux et avait pris part à la bataille de Cérisoles. Son tour de jouter étant arrivé, dix fois il passa devant la quintaine au trot de son coursier noir, et dix fois il planta le fer de sa lance dans le coeur du soldat de bois. Sur le champ, il fut proclamé vainqueur.

Les trompettes sonnèrent alors une fanfare joyeuse, et les demoiselles du Broussay donnèrent un ruban de soie aux cinq premiers chevaliers vainqueurs : François Couldebouc, Jean de la Brousse, Jean du Dréneuc, Jean de Talhouet et Georges du Verger.

Les jeunes gens vainqueurs de chaque frairie reçurent de messire du Broussay une lance neuve avec hampe de frêne, et noble dame Jeanne de Lymur fit remettre à chacun des vainqueurs un coq, sorti de la basse-cour de sa chambrière, Julienne Biguet.

Le soir, le soleil éclairait les bandes semées de seigle et les coteaux couverts de vignes, pendant que retentissait, dans les sentiers, les chansons des jeunes gens regagnant leurs villages et sur les grands chemins, les trompettes des seigneurs chevauchant vers leurs châteaux.

Saint Méréal, Sainte Madeleine, priez pour nous !


 

 

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